La scène live en Mauritanie
Le constat est unanime en Mauritanie, quant à la quasi-inexistence de structures de production pouvant permettre le développement de la scène live. Des considérations sociohistoriques et culturelles peuvent expliquer cela, mais des acteurs locaux s'engagent pour l’inscription de ce secteur au coeur de la politique culturelle étatique.
Quelques « espaces » de production scénique
La production de la musique est une réalité naturelle à tout cadre, cependant, les quelques lieux recensés en Mauritanie pour cette activité, sont des espaces initialement voués à d'autres usages : mythique stade olympique de football pour les grands et rares événements musicaux ; ancien aéroport de Nouakchott pour les musiques urbaines ; la Maison des jeunes, située en périphérie, dédiée aux musiques contemporaines et, cours ou maisons familiales, populairement adoptées pour les musiques traditionnelles accompagnant des cérémonies.
De récents articles étudiant la situation de la production musicale en Mauritanie, et spécifiquement le domaine du live (concert), convergent sur le déficit, pour ne pas dire l’inexistence, d’infrastructures et de technologies adéquates aux musiciens de scène (Bal 2019 a et Jaglin 2015).
L’héritage de normes socioculturelles et historiques codifiant des formes de production informelles de la musique traditionnelle perdure et, constitue sans doute une explication partielle à la situation actuelle des musiques de scène.
À cela s’ajoute une faible part de programmes musicaux live, stylistiquement inéquitables, produits par les medias audiovisuels et, l’absence d’organisation et de structuration optimales du cadre et des acteurs de la pré-production (Ministère chargé de la culture et divers professionnels de la scène).
Face à cette situation, des artistes pionniers de la musique moderne locale (le groupe sénégalo-mauritanien Touré Kunda) ou d’obédience world music (Daby Touré) avaient fini par opter pour une visibilité internationale à travers les scènes opportunes du monde.
Cependant, la jeune génération adepte du mouvement hip hop et musiques actuelles, ou musiques de fusion (traditions musicales associées au jazz ou au rock entre autres), entreprend avec mérite une reforme du domaine de la musique de concert, à travers le renforcement et la création d’initiatives scéniques.
Les initiatives de promotion de la scène live
C’est à la suite de la naissance locale de la musique rap, au milieu des années 1990, puis de son appropriation populaire (Bangoura 2019), que le besoin de constitution de cadres de productions scéniques a été manifeste auprès des musiciens et consommateurs issus de la jeune génération, et adeptes du mouvement rap.
Des pays de la sous-région comme le Maroc, le Sénégal, et plus récemment encore le Mali, représentaient des modèles. C’est ainsi que dès la fin des années 2000, l’auto-entreprenariat d’événements scéniques a logiquement suivi l’auto-production d’albums.
Avec un don d’ubiquité manifeste, de principaux acteurs passeront à partir de 2015, à une seconde phase, par la constitution d’associations artistiques officiellement reconnues et le développement de partenariats avec des institutions culturelles du milieu de la diplomatie (Institut culturel français de Nouakchott, Services d’action culturelle d’ambassades), la communauté urbaine de Nouakchott, des opérateurs de téléphonie locaux, ou encore des promoteurs artistiques basés principalement au Sénégal, au Maroc, en France et qui ont facilité une mobilité de financement sous forme de logistiques (moyens techniques), et d’accompagnement divers (prestations d’artistes étrangers et formation).
Le recensement des initiatives scéniques les plus en vue autour de la musique en Mauritanie présente :
- Le festival ANFI Assalamalekoum Nouakchott Festival International : initié en 2008 par Kane Limam, producteur et rappeur au nom de scène Monza. En 2018, sa 10e édition recensait jusqu’à 40.000 festivaliers et avait pour une première, rempli un stade. De ligne artistique originellement hip hop, ce festival s’ouvre stylistiquement depuis 2018 aux identités musicales plurielles.
- Le Club pour l’Art du Spectacle Oratoire (CASO) établi dans la capitale, entreprend la promotion du slam, du rap et de la comédie. Il organise le festival Slam et humour du desert dont la 1ère édition s’est tenue du 10 au 15 avril 2018.
- Le Women Independance Festival est l’œuvre du groupe Zaza Productions. Cette initiative se donne comme mission de promouvoir sur scène musicale, le talent musical féminin.
Tout en restant louables, ces quelques actions de promotion de la musique de concert sont récentes et pas assez représentatives du point de vue numérique et spatial (exclusivité des initiatives dans la capitale et absence de couverture territoriale). Elles sont également une facette organisationnelle et périphérique de la scène et n’offrent pas d’éléments informatifs quant à la production et à la diffusion.
Aspects et défis de promotion de la scène live
La production et la diffusion de la musique en Mauritanie présentent des caractéristiques majoritairement inéquitables et informelles : cadres de production domestiques ou communautaires, régie et autres moyens techniques insuffisants, absence d'une pré-éducation à la pratique musicale collective, tendance dominante du play-back sur scène, absence d’une éducation musicale formelle et de celle appliquée aux goûts et à l’intérêt culturel des musiques traditionnelles et actuelles destinées à la scène, insuffisance et ubiquité des rares professionnels du secteur face à l’absence et à la méconnaissance des étapes et profils de promotion, contrats et conclusions de cachets oraux, réglementation et application du droit d’auteur et des droits voisins restée sans engagement, inexistence de grandes agences de promotion, etc.
Cette actualité de la production scénique reste grandement tributaire d’accoutumances culturelles et d’habitudes de pratiques héritées. Les actions louables de quelques professionnels, engagées dans le sens de la promotion de la musique de concert, sont récentes et surtout exigeantes en connaissances matures des entités de ce secteur, qui doit être organisé et structuré avec le concours premier des pouvoirs publics.
Il s’agit notamment, de construire des infrastructures dotées de logistiques conformes, de favoriser la création de festivals équitablement répartis sur le territoire national et consolidant le savoir-faire scénique et ses connaissances annexes, de renforcer l’établissement de partenariats existants, de promulguer une réglementation profitable aux droits de production scénique des musiciens et, de créer un environnement facilitant l’instauration d’agences participant à la visibilité internationale des musiciens de la scène.
Sources
- Bal, A. (2019 a), Comment vivre de sa musique en Mauritanie, https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/commentvivre-de-sa-musique-en-mauritanie
- Bal, A. (2019 b), La musique populaire mauritanienne, https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/la-musique-populaire-mauritanienne
- Bangoura, B (2019), Le rap en Mauritanie, https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/le-rap-en-mauritanie
- Clerfeuille, S. (2019), Mauritanie – droits d’auteurs et piratage : une absence de volonté politique, https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/mauritaniedroits-dauteurs-et-piratage-une-absence-de-volonte-politique
- Jaglin, K. (2015), Mauritanie, au delà des chants du désert, Jeune Afrique, https://www.jeuneafrique.com/229896/culture/mauritanie-au-del-des-chants-du-d-sert/
Avertissement/Clause de non-responsabilité
Les aperçus de Music In Africa fournissent des informations générales sur les scènes de musique dans les pays africains. Music In Africa comprend que l'information contenue dans certains de ces textes pourrait devenir dépassée avec le temps. Si vous souhaitez fournir des informations plus récentes ou des corrections à l'un de nos textes, veuillez nous contacter sur info@musicinafrica.net.
Édité par Lamine BA
Comments
Log in or register to post comments