La distribution musicale au Mali
Par Issouf Koné
Bien que le Mali soit un pays fortement ancré dans l'art du son, la distribution musicale n’y est pas forcément bien assurée, comme ce fut le cas dans les années 70 et 80. Avec la montée de la piraterie, dûe en partie à l’expansion de la technologie, ce secteur connaît une grande désorganisation. Les moyens de distribution sont devenus de plus en plus nombreux et variés, créant une situation finalement peu profitable aux artistes.
De la radio Soudan à l’ORTM, l'expansion des médias et leur rôle dans la distribution musicale
À une certaine époque, entre 1960 et 1970 plus précisément, la production et la distribution musicale au Mali, étaient l'apanage de l’autorité étatique. Seul un média distribuait la musique : la Radio Nationale du Mali, qui a opéré de 1960 à 1983. Cette radio a succédé à la radio Soudan, premier média ouvert avant les indépendances (1957 à 1960).
Les œuvres musicales n'étaient donc diffusées que de façon radiophonique, seulement sur Bamako et ses environs, en raison de la faiblesse des ondes qui ne pouvaient pas couvrir tout le pays, autrefois appelé le Soudan Français.
À partir de 1983, la distribution musicale a commencé à se faire pour la première fois à la télévision, lorsque la Radio Nationale est devenue la Radiodiffusion Télévision du Mali. L’unique télévision nationale qui, à partir de 1992, a été rebaptisé l'Office de Radiodiffusion Télévision du Mali (ORTM).
Depuis, L’ORTM diffuse la musique à travers plusieurs émissions comme Jouvence, Top Étoile, Génération 21, Mali rap sur la TM2, Samedi loisir...
L’incontournable Africable télévision, née en juin 2004 est aussi un vecteur essentiel à travers ses émissions musicales très suivies comme Africa Show, Sumu Kura, Artiste à la une... Aujourd’hui, les médias radios et télé sont devenus de plus en plus nombreux et ont facilité la distribution musicale.
Les chaines de radio se comptent par centaines sur toute l’étendue du territoire malien. Les artistes originaires des villes éloignées de la capitale comme Tombouctou, Kayes, Kidal ou encore Sikasso, sont diffusés sur des chaines locales : radio Maaya fm de Ségou, Radio Dounia de Sikasso ou encore la radio Tahanint fm de Tombouctou... L’Union des stations de radio et télévisions libres du Mali, dans son registre, fait mention de 350 chaines de radio et d'une trentaine de chaines de télévision.
La distribution musicale au Mali, renforcée par l’avènement de Mali K7 en 1989
La force de Mali K7 était qu’elle produisait peu et se concentrait surtout surtout la distribution. Durant 5 bonnes années, elle a été une courroie importante de la distribution musicale au Mali. En 1995, cette structure a été obligée de fermer ses portes lorsque EMI, son associé majoritaire, décide de quitter le marché du disque africain.
Le Français Philippe Berthier, initiateur du projet et son ami musicien Ali Farka Touré, décident alors de travailler ensemble pour redonner à Mali K7 un nouveau souffle.
« Partout, il y avait des kiosques de vente et les Maliens n’avaient pas besoin d’aller à la capitale pour des achats de disques et cassettes »
Les grands noms comme Djenéba Seck, Neba Solo, Ramata Diakité, Oumou Sangaré, Issa Bagayoko, Amy Koita, pour ne citer qu'eux, ont bénéficié de ses services de distribution pendant plusieurs années. « Plus qu’une simple maison de disques, Mali K7 était une usine parce qu’on y fabriquait les cassettes » témoigne Ramses Damarifa, artiste rappeur et membre du mythique groupe de rap malien, Tata Pound.
Mali K7 disposait d’une équipe bien organisée. Sa stratégie de distribution des œuvres musicales était un système de vente informel, à partir de petits kiosques de revendeurs installés un peu partout à travers le pays, de la capitale aux villages les plus reculés.
Aujourd’hui, des points spéciaux de vente de cassettes et CD non piratés sont rares. Les artistes préférent la distribution en ligne, plutôt que de mettre en format physique leurs produits, au risque de perde en investissement. Ce sont certains centres culturels pour la plupart et les grands hôtels, qui réservent une vitrine à la vente des albums physiques.
C’est facile aujourd’hui de trouver des produits de Salif keita, Oumou Sangaré, Rokia Traoré, Amadou et Mariam et plusieurs autres artistes à l’institut français de Bamako, à l’hôtel Amitié ou encore en exposition pendant les grands rendez-vous culturels comme le festival sur le Niger de Ségou ou encore le festival Triangle du balafon, qui a lieu dans la région de Sikasso.
À l’ère numérique, les sites de téléchargement, les réseaux sociaux et les téléphones portables s'imposent
Les sites de téléchargement ont poussé comme des champignons et sont très convoités par les artistes maliens aujourd’hui pour leur distribution musicale. Les plus connus sont Bamada City et RHHM. Le second, né après son concurrent, est devenu opérationnel à partir de 2008.
Ces plateformes comptabilisent des milliers de vues quotidiennement. Pour bénéficier des services de distribution en téléchargement gratuit sur RHHM, les artistes payent 5 000 FCA pour la publication d’un single ou d’un clip. Les albums et mixtapes contenants moins de 12 morceaux sont facturés à 30 000 FCA. Les plus connus comme Master Soumy, Sidiki Diabaté, Rokia Traore, Nampé Sadio, Mylmo ou encore Iba One ne payent pas pour être distribués.
Les transferts par Bluetooth et hyper envoie sont très en vogue. Au départ, les artistes ont essayé de combattre ce système sans parvenir à l’éradiquer. Aujourd’hui, beaucoup se sont invités au bal en distribuant eux-mêmes leurs musiques via Bluetooth tout en encourageant leurs proches à en faire autant. Au fil du temps, ce système s’est avéré très efficace pour se forger une notoriété assez rapidement. C’est la peinture de cette réalité que le rappeur Tal B nous fait dans son titre Bluetooth star.
Twitter, Google+, Youtube, les groupes whatsApp et surtout Facebook, sont des voies très utilisées par les artistes maliens dans le cadre de la diffusion de leurs œuvres. Un artiste comme Sidiki Diabaté, suivie par plus de 800 000 personnes sur facebook, publie régulièrement ses vidéos de tournées et ses photos. Une stratégie qui lui permet de garder permanemment le contact avec ses fans. L’artiste Iba One qui a fait le plein du stade 26 mars de Bamako, le 25 novembre dernier (une première pour un artiste malien), doit en partie cet exploit aux réseaux sociaux qui ont fortement contribué à la promotion de l’événement.
L’avènement Keyzit
D’autres maisons de disques sont nées entre-temps. On peut citer parmi-elles, la structure Diofou corporation au capital de 11 000 dollars, mise en place le 14 avril 2013, par 11 amis d’enfance et dirigée par Cheick Touradou Sissoko.
La structure qui détient cependant la plus grosse part du marché de la distribution musicale à ce jour, sur le territoire malien, est Keyzit Mali, incluse dans la grande famille Keyzit, présente dans plusieurs pays et créée en février 2010 en France.
Keyzit Mali, distribue plus d’une centaine d’artistes et n’en produit que très peu, 8 pour l’heure, selon Mariam Nofogou chargée de communication à Keyzit Mali. Les produits des artistes bénéficiant d’un contrat de distribution se vendent via des plateformes de streaming et de téléchargement légal à savoir sportify, Youtube, Deezer, itunes…
Références
conseilfrancophone.org
www.afrik.com
musicinafrica.net
jeuneafrique.com
bamakolifestyle.com
africanmoove.com
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Cet article fait partie du projet Music In Africa Connects, une initiative de développement visant à soutenir les secteurs de la musique des pays africains touchés par les conflits. Pour en savoir plus sur Music In Africa Connects, cliquez ici.
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