La musique traditionnelle au Tchad
La pratique de la musique traditionnelle demeure très vivante au Tchad, pays de Toumai qui compte un peu plus de 250 ethnies qui constituent une richesse et une diversité culturelle exceptionnelle dans ce pays d’Afrique centrale.
Une pratique courante au Tchad
La musique traditionnelle au Tchad est très prisée et toujours sollicitée lors des diverses manifestations ou sur les ondes des radios qui continuent de la diffuser fréquemment.
Le 1er président de la république tchadienne, Ngarta Tombalbaye (1960-1975) fut son grand consommateur et aussi son promoteur par excellence. À chaque évènement ou cérémonie officielle, la musique traditionnelle occupait une place de choix dans sa programmation.
Une valorisation qui avait permis à bon nombre de praticiens des années 1960, aujourd’hui quasiment disparus et dont les œuvres représentent un patrimoine commun, de l’avoir marqué de leur empreinte. Notamment Issa Moussa, Moussa Chauffeur, Djingayam, Ngon koutou, Maman Eldjima, Morsilé, Doumi Thomas, Toudjibé le préféré du 1er président (tous décédés).
Alifa Day Daniel (malvoyant et près de 80 ans aujourd’hui), demeure le dernier survivant d’une génération qui a su magnifier cette musique traditionnelle. Grâce à un notaire de la place (Maitre Béchir Madet) qui a été surpris d’apprendre qu’Alifa Day Daniel soit en vie, « le dernier des Mohicans» a pu entrer au studio en mars 2011, pour enregistrer son unique album dont le concert de lancement avait été un moment unique chargé d’émotion.
Maitre Béchir Madet par ailleurs Président de l’Association pour le Développement Culturel (Adec), a impulsé dans la même foulée «La Nuit des balafonistes». Un évènement annuel qui réunit tous les balafonistes des différentes régions. Ceci, dans l’optique de confronter leur pratique, valoriser et perpétrer un art ancestral à travers sa diffusion, surtout pour amener les jeunes tchadiens à connaitre et à s’approprier ce patrimoine.
Un autre évènement dédié à la musique traditionnelle au Tchad, et qui a prit corps depuis 2011 en province (Moundou) est le festival « Sem Ta Doua ». Une initiative d’un animateur radio et promoteur culturel Maskemngar D. alias Djim black, à travers son association ‘Tchad Héritage’.
Annuellement, les musiciens traditionnels qui viennent des quatre coins du Tchad pour y prendre part, se sentent renaitre lors de ce grand rendez-vous, qui dure 3 à 4 jours. « Promouvoir la musique traditionnelle en la rendant disponible au public à travers ce festival, et aussi saisir ce grand moment de rassemblement, pour montrer à la jeunesse actuelle les valeurs culturelles et coutumières qui sont transmises par des instrumentistes, chanteurs, paroliers, cantatrices et danseurs», dixit Djim black.
Diversité d’instruments
Quand on prend le temps d’écouter la musique traditionnelle au Tchad, on est frappé par des similitudes sonores en fonction des régions. Mais sa magie se trouve dans les nuances qui font son charme, au niveau du maniement des instruments et des sonorités.
En parcourant le pays du nord au sud, on trouve beaucoup d’instruments à corde pincée (Luth) et frottée (vièle) en zone saharienne et sahélienne. Les instruments à vent, constitués des hauts-bois et de longues trompes sont nombreux dans les zones sahéliennes représentées jadis par des sultanats (Ouaddaï, Kanem et Chari-Baguirmi). Dans la zone méridionale, les harpes (arquées ou coudées) au nombre de corde variable, qui généralement accompagnent le chant, existent dans toutes les régions tout comme les balafons (xylophones) qui sont nombreux et spécifiques à chaque région.
Les flutes (en bois, en corne, en terre cuite ou crue et en roseau) dans le centre et le sud, qu’on appelle tob, nals, algueita en fonction des langues locales, sont d’une grande diversité. Les tambours, de formes multiples, fabriqués à partir de matériaux divers, existent dans toutes les communautés tchadiennes.
L’introduction des instruments occidentaux au Tchad avant l’indépendance jusqu’à nos jours, continue d’être considérée par les artistes comme un signe d’émancipation mais cela n’a jamais mis en difficulté la musique traditionnelle.
Les musiciens d'aujourd'hui qui se sont appropriés les instruments modernes et les utilisent avec brio sur les rythmes d’ailleurs, se tournent ces dernières années vers la musique traditionnelle. Nous assistons à un métissage des rythmes ancestraux, à mi-chemin entre la tradition et le modernisme. Mais la « mayonnaise » a du mal à prendre, parce qu’il n’y a jamais eu un travail préalable d’appropriation de ces instruments traditionnels.
Le véritable problème de la musique traditionnelle au Tchad, est que la transmission de ces savoirs, reste toujours l’apanage des détenteurs de ces patrimoines ancestraux. Y accéder est très complexe et requiert un travail de proximité assez spécial.
Doro, le médium entre la musique traditionnelle et moderne
Doro Dimanta la soixantaine entamée, qui vit en France depuis une trentaine d’années et qui revient régulièrement au pays, est le doyen des jazzmen tchadiens. Issu d’une lignée des musiciens traditionnels, son enfance a été bercée par des airs et rythmes du terroir. Actuellement son travail s’oriente vers des formes intégrées de musique.
« Dans la famille, nous faisons partie d’une longue lignée de grands musiciens traditionnels, et les choses viennent d’assez loin. Le pasteur Moussolnan qui fut mon père (paix à son âme) était un grand balafoniste. Mon oncle Bénoudjita était un joueur talentueux de cithare et de sanza. Ils avaient suivi des chemins spirituels et religieux et à la fin, cela m’est tombé dessus » confie le jazzman.
« Mes racines musicales en fait sont profondément naturelles. J’ai une démarche paradoxale parce que j’ai une grande proximité avec la musique traditionnelle, alors que je suis un musicien hyper moderne et contemporain » précise Doro.
« Aujourd’hui je travaille dans le monde du récit. Et comme la tradition tchadienne le dit, quand on entend un balafoniste, il parle et pourtant c‘est de la musique. En même temps où je vous parle, tout le débit de ma voix est musical. Je travaille sur l’axe de la musicalité de la parole et de la parolité de la musique comme le font nos musiciens traditionnels. J’ai compris cela et donc je travaille pour unifier mon art afin que ma musique soit parole et ma parole la musique. C’est un peu compliqué » ajoute-t-il.
Doro se considère toujours comme un musicien traditionnel et moderne en même temps.
« La force est dans la tradition, la technicité et la réflexion sont dans la modernité. C'est-à-dire que lorsque vous utilisez une guitare ou un clavier, ce sont des instruments européens. Et vous devez l’adapter à votre culture tchadienne ou africaine. C’est un axe de travail important. La musique, les sons expriment la culture. Un bon artiste c’est celui là qui cherche. II n’y a pas une musique de façon absolue. Il y a des musiques adaptées à chaque peuple et à chaque situation. Et je voudrais que les jeunes comprennent cela » explique l’artiste.
Référence : Journal du Tchad: www.journaldutchad.com/ Wikipedia : https://fr.wikipedia.org Blog Witantoua la Tchadienne: http://witantoua-la-tchadienne.over-blog.com Ouvrage : Tchad par Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, Petit Futé
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