
Tex Lbk aux hommes : « Si tu l’épouses, élève-la, ne l’éteins pas »
Il y a des chansons qui ne cherchent pas le tube, mais la trace. Pas le nombre de vues, mais le nombre de consciences éveillées. Des morceaux qui arrivent à contre-courant, sans prévenir, et qui s’installent là où les autres ne vont pas. C’est le cas de « Seuyou Djolof », dernier titre du chanteur sénégalais Tex Lbk. Une chanson sans filtre, sans détour, qui ne s’embarrasse pas d’effets pour dire l’essentiel. Une chanson qui met les pieds dans le plat, là où beaucoup préfèrent poser des fleurs en plastique.
- Tex LBK
Tex Lbk ne court pas après les tendances. Il les regarde passer, tranquillement, presque avec distance. Concentré sur ses propres urgences. Car pour ce morceau, il avait un sujet. Un vrai. Un lourd. De ceux qu’on évite dans les discussions de salon. De ceux qui dérangent les bavards, font fuir les hypocrites, réveillent les distraits. « Seuyou Djolof » parle de ce qui arrive après le mariage. Pas le conte de fées. Pas les selfies d’anniversaire de couple. Non. L’après. Celui dont on ne parle pas sur les réseaux. Celui où certaines femmes, une fois la fête finie, se retrouvent seules, avec le poids de tout, les mains vides et le cœur éreinté.
Ce morceau n’est pas né d’une stratégie marketing. Il est né d’une expérience. De plusieurs, en réalité. Avant d’être chanteur, Tex Lbk a été photographe de mariage. Sept ans à capturer les sourires, les robes, les danses, les regards complices. Trois cents mariages, peut-être plus. Trois cents moments de joie figés pour l’éternité – du moins, c’est ce qu’on croyait. Et puis un jour, une mariée lui écrit pour lui demander de supprimer ses photos. Quelques mois après le mariage. Puis une autre. Et une autre encore. Ce n’est pas la mise en page qui pose problème, ni le cadrage. C’est le rêve qui s’est écroulé. Trop tôt. Trop violemment. Et ce qu’il découvre alors, c’est un schéma. Une boucle cruelle, presque banale : des femmes abandonnées, des pères devenus invisibles, des promesses réduites en poussière. Et personne n’en parle. Surtout pas les hommes.
Alors Tex s’est mis à écrire. Non pas pour juger ou accuser. Mais pour témoigner. Pour poser, frontalement, la question que beaucoup préfèrent contourner : à quoi bon se marier si c’est pour que la femme y perde sa joie, sa dignité, sa santé mentale ? À quoi bon jurer fidélité si c’est pour tourner le dos dès que la réalité frappe à la porte ? C’est ce silence-là qu’il a voulu briser. Ce non-dit collectif qui pèse sur les épaules de milliers de femmes.
Il invite alors Ndary Diouf à le rejoindre sur ce titre. Pas un featuring d’apparat. Une vraie rencontre artistique. Ndary, c’est une voix qui ne joue pas. Une voix qui comprend. Dès les premières notes, l’alchimie est là. Pas besoin de longues explications. L’un raconte, l’autre enveloppe. Ensemble, ils signent un morceau profondément humain, où chaque mot compte, où chaque souffle dit ce que les discours officiels taisent.
Le refrain, lui, claque comme une mise en garde : « Sarap li ». Une expression brute, tranchante, que certains jugent trop dure. Mais Tex, lui, assume. Il y voit un cri d’alerte, un mot qui réveille. Parce qu’il y a urgence. Il le dit sans détour : « Si elle était à six sur dix avant le mariage, fais en sorte qu’elle atteigne neuf. Pas qu’elle tombe à cinq. » Ce n’est pas du romantisme en carton. C’est un appel à la responsabilité. À l’élévation. Pas à la domination.
Il ne parle pas d’amour en l’air, Tex. Il parle de choses concrètes : le soutien, la reconnaissance, le partage des tâches, le respect mutuel. Il parle d’équilibre. De dignité. Pas de virilité bon marché ni de « chef de famille » auto-proclamé. Juste deux êtres humains qui avancent ensemble, ou qui, au moins, essaient.
Et pourtant, Tex ne se place pas au-dessus des autres. Il ne donne pas de leçons. Il parle aux hommes comme on parle à ses semblables. Avec franchise, mais sans condescendance. Il connaît les silences entre hommes, les excuses toutes faites, les habitudes qu’on ne questionne jamais. Et c’est là que sa parole porte. Parce qu’elle vient de l’intérieur. Parce qu’elle n’est pas contre, mais pour. Pour un changement. Pour un réveil. Pour un peu plus d’humanité dans une institution qu’on maquille trop souvent.
Depuis la sortie du morceau, les retours pleuvent. Les femmes, bien sûr, y retrouvent leurs blessures, leurs solitudes, leurs combats quotidiens. Mais ce qui surprend, ce sont les messages d’hommes. Certains remercient, d’autres s’interrogent, d’autres encore avouent qu’ils n’avaient jamais vu les choses sous cet angle. Et c’est là, peut-être, que la chanson devient réellement utile. Pas parce qu’elle donne des réponses. Mais parce qu’elle pose les bonnes questions.
Et puis, il y a cette phrase. Une simple phrase, presque murmurée, mais qui reste longtemps : « Les femmes sont fatiguées. Le mariage les fatigue. » Rien de spectaculaire. Juste un constat. Brut. Froid. Réel. Un cri d’amour, en vérité. Un appel à faire autrement. À écouter enfin celles qui parlent bas. À tendre la main, pas pour aider, mais pour marcher ensemble.
Avec « Seuyou Djolof », Tex Lbk ne cherche pas l’applaudimètre. Il cherche à provoquer un sursaut. Et il y parvient. Sans filtre. Sans mise en scène. Avec une sincérité rare. Parce qu’il y a des chansons qui soignent. Et d’autres qui sauvent. Celle-ci fait un peu des deux.
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