
Naftaly - « Lève-toi et marche » : un album pour réveiller les consciences
Avec son nouvel album Lève-toi et marche, l’artiste reggae ivoirien Naftaly livre un message fort, entre éveil spirituel, engagement social et quête de sens. Dans cet entretien sans détour, il revient sur la genèse de ce projet, la place de la foi dans sa musique, et son regard sur la jeunesse, le reggae et l’avenir. Une parole sincère, habitée, ancrée dans l’essentiel.
- Naftaly
Ton nouvel album s’intitule Lève-toi et marche. Quelle est la genèse de ce titre si puissant et symbolique ?
C’est un appel à la prise de responsabilité et à l’éveil. À faire marcher son intelligence, à arrêter de se laisser raconter qui nous sommes par des connaissances datant du Ier ou du VIᵉ siècle. J’ai pour habitude de dire : « Quand on a les pieds bien portants, on ne doit pas utiliser des béquilles. »
Tu décris ton album comme un appel à l’éveil spirituel et social. Qu’est-ce qui t’a poussé à prendre cette direction ?
Je n’ai pas vraiment choisi cette direction, c’est plutôt elle qui m’a appelé. En m’observant, je me suis rendu compte de l’énorme ignorance que j’avais de moi-même et de ce qui m’entoure — et que c’était pareil pour tout le monde.
J’ai compris que cette méconnaissance de nous-mêmes était à la base de nos problèmes personnels et de tous les désordres sur la planète, de la petite dispute de couple au déclenchement de grands conflits. J’ai donc décidé de partager cette expérience en musique pour élever les vibrations.
C’est pour cela que, quand je parle d’éveil, je ne le fais pas comme un donneur de leçon ou un maître qui veut enseigner, mais comme un enquêteur à la recherche de son essence, qui veut partager ses expériences en musique.
Tu parles de « guérison intérieure » et de « renaissance » à travers ta musique. Quelle place la foi ou la spiritualité occupe-t-elle dans ton processus créatif ?
La spiritualité, c’est la source, la racine profonde qui nous relie à quelque chose de plus vaste que nous — et qui est essentiellement Nous. Et c’est de là que naît l’inspiration. C’est pourquoi chaque mot, chaque tournure de phrase sonne comme une prière, un chant de guérison et d’ouverture à la lumière intérieure. Créer, c’est écouter l’Esprit, puis traduire ce murmure en vibrations musicales.
Dans un contexte socio-politique tendu en Côte d’Ivoire et ailleurs, penses-tu que le reggae peut encore éveiller les consciences ?
Oui, plus que jamais. Le reggae n’est pas qu’un genre musical, c’est une vibration, une onde qui traverse les murs, les classes et les frontières.
Allez dans les clubs de reggae et vous le constaterez. Dans un monde en tumulte, il reste l’un des derniers tambours sacrés qui parlent au cœur de l’homme. Le reggae, c’est la voix des sans-voix, le cri des peuples dans le désert des injustices. Il ne cherche pas à plaire, mais à révéler ; pas à diviser, mais à réveiller et à unir. Comme une lampe dans la nuit, il éclaire les zones d’ombre avec des vérités simples et profondes. Et ça, tous les contextes en ont besoin.
Quels messages essentiels voulais-tu transmettre à travers les titres de l’album ?
Juste que nous ne sommes pas un accident cosmique. Nous sommes sur cette planète pour l’éclairer de la lumière que nous sommes. On ne devrait donc pas vivre en pilotage automatique ; on doit poser chaque pas avec délicatesse et lucidité. Le prêt-à-penser nous montre chaque jour ses limites et ses carences. Il est plus que jamais temps de nous intéresser à la Vie vraie.
Ton concert à l’AZK a été qualifié de moment d’exception dans l’histoire du reggae ivoirien. Qu’est-ce que ça t’évoque ?
Tous les moments que je passe sur scène sont pour moi exceptionnels, parce que j’aime le partage. Si ce moment-là a inspiré ce sentiment dans l’histoire du reggae 225, c’est cool. On fait notre taf, et j’exprime toute ma gratitude à ceux qui le ressentent ainsi.
Penses-tu que ta musique pourrait servir d’outil d’éveil des consciences chez la jeunesse ivoirienne, face à la prédominance de la musique purement divertissante ? Et quel regard portes-tu sur l’évolution de la musique dans les années à venir ?
Oui, j’en suis plus que sûr. Mais une partie de la réalisation de cela dépend de la politique que les dirigeants de notre pays accorderont au devenir de cette jeunesse. Et je ne parle pas seulement de ma musique : toutes les musiques — traditionnelles, tradi-modernes, etc. — peuvent être des outils d’éveil si elles sont diffusées de façon équitable sur toutes les ondes. Cela permettrait à la jeunesse, grâce à cette large palette de genres et de styles, de se développer en largeur d’esprit et en ouverture. Si on ne leur montre que le divertissement, c’est les maintenir à la surface de la vie. Et les conséquences de cette inculture peuvent gravement obstruer notre futur.
Comment vois-tu l’évolution du mouvement reggae ivoirien aujourd’hui ?
Il est dynamique, pluriel, et sans cesse renouvelé par de nombreux talents qui, chaque jour, apportent leur touche. Ça ne peut que monter en puissance…
Quels sont les artistes ou figures que tu suis de près actuellement ?
J’aime la musique ivoirienne, donc je suis tout, absolument tout…
Selon toi, qu’est-ce qui manque aujourd’hui pour que le reggae ivoirien retrouve une place centrale sur la scène africaine et internationale ?
[Rires.] Une vibration pure… et un message universel.
Tu combines engagement spirituel, social et musical. Comment trouves-tu l’équilibre entre ces trois dimensions ?
Ces trois dimensions vont bien ensemble, donc s’équilibrent naturellement. La musique, c’est l’œuvre de l’Esprit ; le social, c’est la manifestation de l’action de l’Esprit vers l’extérieur ; et le spirituel, c’est la vie intérieure.
As-tu l’ambition de faire rayonner ton message au-delà des frontières ivoiriennes ? Des projets internationaux en vue ?
Aujourd’hui, avec Internet, tout ce qu’on produit rayonne déjà au-delà de nos frontières. Pour les projets internationaux, on en reparlera lorsqu’ils se concrétiseront, pour ne pas dire du faux.
Avec cet album, tu sembles entamer une nouvelle étape dans ta carrière. Quelle est ta vision pour les prochaines années ?
Oui, j’entame une nouvelle étape dans ma carrière. Et providentiellement, cet album sort à une période charnière de l’histoire de notre Nation, la Côte d’Ivoire. Une période où l’atmosphère a besoin de paroles apaisantes pour les esprits, de concepts puissants pour éveiller les consciences, et de mélodies douces pour faire sourire les cœurs. Je veux terminer cette interview par une citation de Son Impériale Majesté Haïlé Sélassié Ier, que j’ai un peu modifiée comme conseil et souhait à notre beau pays, la Côte d’Ivoire : « Nous devons être les membres d’une nouvelle race, dépasser nos préjugés insignifiants et nous soumettre à la fidélité ultime que nous devons non pas à nos religions, nos partis politiques, mais à nos semblables — les hommes — au sein de la communauté humaine… » Paix et Amour.
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