L’étonnant destin du chanteur libyen Fuad Gritli
Anis Hajjam
Il fait partie des doux et redoutables révoltés du printemps arabe version libyenne. Mais avant ce fiévreux février 2011, Fuad Ramadan Gritli est déjà un incontournable. La Libye ne sait pas encore où donner de la tête que ce trublion propose des solutions à ses semblables, épris de renouveau et de libertés innovantes.
- Le chanteur libyen Fuad Gritli
Il est jeune, il crie sa détresse et sa joie, les mêle avec une grâce dont sa terre natale n’a pas les codes. Il est l’heureux incompris, le malheureux éconduit. Il pousse loin le bouchon de la proposition, récolte le désarroi et passe son chemin. Celui-ci le rattrape plus tard… Fuad a une vie qui ne se prononce pas encore, qui le laisse mariner. Il quitte son pays natal, gagne l’Angleterre, retourne chez lui, s’évapore pour Malte, retourne à la Maison… Et avec cela, une histoire d’amour à l’origine de son choix artistique, de sa plongée dans le monde de la chanson.
À 35 ans, il est toujours ce garçon qui rêve que ça aille mieux. Le jeune aspirant musical se fait rapidement jeter par la Libye «entière», petits groupes et organisateurs de résidences compris. Qu’est-ce qui ne marche pas ? Fuad Gritli n’est pas un musicien même s’il traîne depuis son enfance une âme d’artiste trempée dans le dessin. Il demande à des amis de lui apprendre à manipuler la guitare. Au bout de quelques tentatives, on lui signifie qu’il lui est difficile de percer dans le domaine. Le jeune homme refuse de renoncer. Le hasard lui fait rencontrer un guitariste adepte du blues et du grunge de Nirvana. Celui-ci accepte de l’initier à son instrument fétiche avant de jeter l’éponge.
En 2005, Fuad est invité à écrire une chanson pour un ami dans le cadre d'un projet scolaire, ce qui lui permet de découvrir les plaisirs du spectacle. En attendant de fouler lui-même la scène, Gritli prend des cours de guitare avec un musicien du nom de Mohamed Hgig. Hgig lui enseigne un seul accord pendant dix jours. Mais le véritable problème est ailleurs. Fuad est gaucher et tous les guitaristes de Tripoli qu'il connaît sont droitiers. Son entêtement le pousse alors à apprendre à jouer avec sa main droite. Il décide ensuite de terminer son apprentissage par lui-même, le coût des cours l'amenant à abandonner l'apprentissage académique. En même temps, il se tourne vers YouTube, regardant des centaines de vidéos, histoire de mieux maîtriser le jeu de guitare. Et puis, c’est une histoire d’amour qui va consolider le parcours musical de Fuad et faire de lui l’artiste qu’il est aujourd’hui. À l’approche de la Saint-Valentin, il écrit sa première chanson personnelle, «Stay Close», pour sa petite amie. Son amoureuse le trouve talentueux et l’encourage à poursuivre une carrière d’auteur-compositeur-interprète. Il enchaîne avec «Cigarettes», «The World is Falling Apart»… Gritli lie son succès en Libye au fait qu’il chante en anglais. Il décide alors d’aller tenter sa chance à Londres où il se fait jeter par le public d’un pub où il propose «Sorry» de sa composition.
De nouveau brimé, Fuad rentre à Tripoli et continue tant bien que mal à faire de la musique. Il compose et enregistre («Libye, the Land of Love», «Why», «Freedom», «Riddo»…) en phase avec la révolution dans le pays. À cette période, d’autres noms surgissent de nulle part : Rap Crew, Salah Ghali, Rank of Honor, Asma Saleem… Fuad, lui, s’engage ailleurs. Il intègre la station Radio Zone où il anime le Morning Show en chantant régulièrement en direct.
Après un séjour à Malte où il monte le groupe Wet Boys, il retourne en Libye et rejoint la radio Tripolitana FM pour des soirées de fête. Il y enregistre «Malgi» (Pichet) qui fait de lui une véritable star. Il est ensuite engagé par une chaîne de télévision libyenne basée en Jordanie, Libya Rouh Al Watan, où il crée l’émission «Goosto» (Fun). Il quittera cette chaîne quelques temps plus tard pour causes de promesses non tenues.
Depuis, Fuad Gritli est cité pour «Malgi» et «Goosto».
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