Ulrich Adjovi, promoteur du FinaB : « On a parlé du rêve américain, je veux parler aujourd’hui du rêve africain… »
Le FINAB, événement annuel incontournable au Bénin, est bien plus qu'un simple festival artistique. Dans cette interview exclusive avec le promoteur du FINAB, Ulrich Adjovi, découvrez comment cet événement contribue à la fois au développement culturel et économique de la région, tout en offrant une plateforme unique pour les artistes et entrepreneurs culturels africains.
Question : pouvez-vous nous décrire en quoi consiste votre festival au Bénin et comment il contribue au développement culturel de la région ?
Ulrich Adjovi : Le Festival International des Arts du Bénin (FINAB) est un rendez-vous annuel autour des sept principaux arts que sont la musique, la danse, le cinéma, la mode, le théâtre, les arts plastiques et la littérature. A l’occasion de cet événement, les artistes et les acheteurs d’arts se retrouvent sur un marché qu’on appelle le ‘’Tokpa’’, l’un des plus grands de la sous-région. Pour cette édition, nous y avons ajouté la gastronomie et l’influence en tant que domaine d’émergence à travers le concept d’influence art, car nous allons à partir de cette année promouvoir les influenceurs qui pour nous, dans l’exercice de leur fonction d’influenceur, font aussi de l’art. Ces derniers sont passés excellent dans l’art de créer du contenu attractif. Le FINAB qui cette année mettra l’accent sur la célébration de l’identité et du multiculturalisme, se tiendra du 23 au 28 avril au Palais des Congrès et à l’esplanade de l’Amazone de Cotonou.
Q : quel est, selon vous, l'impact économique direct et indirect des industries culturelles créatives en Afrique ?
UA : Je pense que les industries culturelles représentent un secteur économique dans lequel le continent africain à beaucoup à apporter. La créativité et le génie de nos artistes courent les rues. Il reste maintenant à créer des opportunités d’expression de ces talents et c’est pour cela que nous sommes en train de travailler à mettre en place à travers ce festival cette plateforme d’expression. Il faut aussi dire et cela est important, que le FINAB accompagne également la volonté politique du Bénin où le gouvernement travaille à mettre en vitrine les arts. Nous emboîtons les pas de l’État afin d’apporter cette plateforme de créativité et d’expression des génies artistiques. L’impact économique est assez évident. Quand on parle d’art, on parle de vente, on parle de produit, on parle de marché et plus les étrangers viennent en Afrique et au Bénin pour acheter des œuvres et plus cela donne de la valeur à l’économie et c’est tout le monde qui gagne. Les hôtels, le transport, la communication, c’est tout un écosystème autour des arts qui en bénéficient. C’est donc un marché global qu’on a envie de créer et démocratiser les arts plastiques, la musique, la littérature, etc. pour que les africains puissent connaître et valoriser leurs cultures.
Q : comment les initiatives culturelles comme votre festival favorisent-elles l'emploi et l'entrepreneuriat local ?
UA : Alors, pour répondre à cette question faisons un petit flash-back. Pour l’édition 2023, nous avons eu plus de 1 200 personnes qui ont travaillé sur le festival et plus de 200 acteurs économiques et culturels ont effectué des opérations marchandes sur six jours, c’était donc une magie de la création de l’emploi. Le FINAB ambitionne de faire mieux cette année, toujours dans l’optique de faciliter la rencontre entre les acteurs culturels et le grand public. Nous allons faire en sorte de créer encore plus de valeurs sur l’entrepreneuriat. Ce sont plus de 2 000 personnes qui travaillent acharnement sur le FINAB 2024 et le nombre d’exposant a pratiquement doublé. A cet effet, nous avons signé un partenariat avec une jeune dame qui a créé un micromarché des entrepreneurs naissants et leur a permis de venir exposer leurs idées et leurs services sur notre plateforme afin de mieux se vendre. Nous allons donc dire que nous favorisons l’entrepreneuriat.
Q : quels défis rencontrez-vous dans la promotion et le développement des industries culturelles au Bénin et en Afrique en général ?
UA : Le vrai défi pour moi, c’est la reconnaissance de la valeur marchande des œuvres de l’esprit. C’est-à-dire, arriver à donner une valeur significative aux œuvres que les artistes créent. Une fois que ce défi est relevé, je pense que cette économie va mieux tourner. Comment amener nos concitoyens à savoir que de la même manière qu’un bien immobilier prend de la valeur avec le temps, une œuvre artistique prend également de la valeur. Comment amener les sponsors et le pouvoir public à financer les industries culturelles et artistiques. Voici pour moi les vrais défis que nous avons.
Q : en quoi les industries culturelles peuvent-elles renforcer l'identité culturelle et la fierté nationale en Afrique ?
UA : La Côte d’Ivoire est fière lorsqu’on parle de Didier Drogba. Quand on parle de Samuel Eto’o, c’est le Cameroun qui est promu partout dans le monde. Je crois que les icônes comme Angélique Kidjo, Youssou Ndour, Barthélemy Togo, etc. sont de véritables ambassadeurs de l’identité culturelle de notre continent et ils font notre fierté. Quand vous voyez une légende mondiale comme Madona utiliser l’Amapiano qui est sud-africain dans son album aujourd’hui, ça représente beaucoup pour nous africains. Nous travaillons à ce que nos concitoyens se reconnaissent davantage dans les autres expressions artistiques comme la mode, le cinéma.
Q : quels sont les besoins en termes de soutien gouvernemental ou institutionnel pour favoriser la croissance des industries culturelles en Afrique ?
UA : Les soutiens les plus importants ne sont pas forcément financiers. C’est vrai qu’organiser un festival qui embrasse tous les arts comme le FINAB est un gros défi qui coûte excessivement cher, mais il faut par exemple davantage d’appui institutionnel de nos gouvernements. Nous saisissons l’occasion pour remercier le gouvernement béninois qui déploie d’énormes efforts financiers et moraux afin d’accompagner notre projet. Nous plaidons pour que ce genre de soutien et d'accompagnement puisse multiplier partout en Afrique. Vous savez, plus nous avons l’appui de nos États et plus nous paraîtrons crédibles aux yeux des partenaires internationaux afin qu’eux aussi aient les coudées franches pour travailler avec nous.
Q : comment votre festival encourage-t-il la collaboration entre les artistes et les entrepreneurs dans le secteur culturel ?
UA : Le marché Tokpa dont j’ai parlé plus haut existe justement pour réduire le fossé entre les artistes et les entrepreneurs culturels. Ce marché veut faciliter les échanges entre ces deux acteurs incontournables du secteur de la culture, parce que c’est lorsque ces deux se rencontrent qu’il y a la magie. Donc, nous faisons en sorte que cette plateforme favorise les rencontres.
Q : quel rôle les technologies numériques jouent-elles dans la diffusion et la promotion des œuvres issues des industries culturelles en Afrique ?
UA : Nous aurons plusieurs panels et conférences autour de la question de la technologie numérique et même de la valorisation des arts et des œuvres culturelles par le numérique. Le numérique est au centre de nos vies, elle multiplie l’impact de nos actions. Aujourd’hui, il est possible d’assister à un concert, de visiter un musée, d’acheter une œuvre, de la consommer depuis son salon. Alors, nous gagnerons à mieux intégrer les technologies dans nos actions pour démocratiser l’art dans nos pays. Ceci est un défi sur lequel nous travaillons également.
Q : quel message ou conseil donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs culturels qui souhaitent se lancer dans ce domaine en Afrique ?
UA : On a parlé du rêve américain, je veux parler aujourd’hui du rêve africain. L’Afrique est le continent de toutes les possibilités. Les plus grandes marques au monde veulent s’installer en Afrique, parce que c’est le continent de l’avenir. Il faut que nous, jeunes africains, prenions conscience de cela et que nous nous lancions résolument dans des projets audacieux.
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