Feux de Brazza : une flamme culturelle qui illumine la musique traditionnelle africaine
À l'occasion de la 7e édition du festival Les Feux de Brazza, événement phare dédié à la valorisation des musiques traditionnelles africaines, Hugues Ondaye, directeur de ce rendez-vous culturel incontournable, partage ses réflexions sur l'importance de cet héritage musical et l'impact du festival dans le contexte actuel. Il nous dévoile également les grandes lignes de l'édition 2024, qui se tiendra du 7 au 10 septembre à Brazzaville, marquée par des spectacles, des colloques, et une conférence inédite sur la diplomatie coutumière africaine.
Mory Touré : Bonsoir M. Hugues Ondaye, vous vous apprêtez à vivre la 7e édition de ce festival unique qui se déroulera du 7 au 10 septembre à Brazzaville. Comment définiriez-vous Les Feux de Brazza, et quelles sont les particularités de ce festival ?
Hugues Ondaye : Merci. Les Feux de Brazza est un festival de musique traditionnelle africaine, créé en 2005, avec pour mission de promouvoir ces musiques comme source d’inspiration pour la musique moderne. Le festival se consacre également à la préservation et à la documentation de ce patrimoine. Vous le savez, la musique trouve ses racines en Afrique. Il est donc essentiel de ne pas reléguer cette musique mère au second plan, au profit des nouveaux genres musicaux, notamment la musique urbaine, qui occupe une place prépondérante. Nous œuvrons ainsi pour la valorisation et la promotion de ce patrimoine inestimable.
De plus, nous allons au-delà de la simple célébration de la musique. Nous nous engageons également dans la production. Les Feux de Brazza a un label de production qui soutient des groupes traditionnels souvent en difficulté pour trouver des producteurs. Le premier fruit de ce travail a été Bana Bateke, produit il y a quelques années.
À chaque édition, nous sélectionnons l’un des meilleurs groupes pour le produire. Nous avons aussi pour mission de commercialiser les instruments de musique traditionnelle, comme la sanza, en collaboration avec l’un des grands maîtres de notre pays. Des ateliers sont organisés pour les enfants afin de les initier à ces instruments ancestraux.
Voilà, en résumé, cette belle aventure qui a débuté en 2005 et qui fêtera ses 20 ans l'année prochaine.
MT : Cela fait maintenant deux ans que le festival a repris son cours. Quelles seront les grandes lignes de cette nouvelle édition, et que pourra-t-on voir concrètement à Brazzaville ?
H.O : À chaque édition, nous proposons un riche programme avec des spectacles, des colloques, des ateliers, et un village artistique où sont exposés divers objets artisanaux. Nous organisons aussi des visites touristiques. Pour cette édition, deux points forts sont à noter : les spectacles avec des groupes du Congo et d’autres pays, ainsi qu’une grande conférence-débat sur la diplomatie coutumière africaine. Celle-ci sera animée par le professeur Amoa Urbain de la Côte d'Ivoire, promoteur de la Chaire UNESCO de la diplomatie coutumière africaine au service de la paix. Il viendra partager son expertise avec des chefs coutumiers d'Afrique centrale et de l'Ouest, ainsi qu'avec des acteurs de la médiation sociale, tels que les politiques, juges et universitaires.
Au moment où l'Afrique fait face à de nombreux conflits, il est crucial de se réapproprier nos propres outils de médiation, au lieu de continuer à importer des modèles souvent inadaptés à nos réalités. Cette conférence, qui sera sous le patronage de la ministre de la Culture de la République du Congo, Mme Catherine Embondza-Lipiti, accompagnée par sa collègue de la République démocratique du Congo, Mme Yolande Elebe, ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine, s’inscrit dans cette perspective.
MT : On remarque que cette année, la thématique est très transversale. Vous parlez de patrimoine, de créativité, et de rapprochement des peuples. Pourquoi cette thématique est-elle si importante aujourd'hui pour Les Feux de Brazza ?
H.O : Effectivement, le thème de cette édition, intitulé « Musique traditionnelle africaine, source de créativité et vecteur de l'intégration continentale », est d'une importance capitale. Nous sommes convaincus que l'intégration africaine ne se réalisera pas seulement à travers les grands ensembles économiques, mais également par le brassage des peuples et de leurs cultures. La musique traditionnelle africaine, qui fait partie de notre identité, transcende les frontières, notamment celles qui nous ont été imposées.
De plus, la créativité est une source de fierté pour l'Afrique, qui regorge de talents. Ces talents doivent être mis à contribution pour renforcer l'intégration et permettre la libre circulation des créateurs. Ce thème tombe à point nommé, surtout avec Brazzaville, siège des Feux de Brazza, qui a été déclarée Capitale africaine de la culture pour 2024-2025, en tandem avec Kinshasa. C’est notre modeste contribution à la paix et à la résolution des conflits sur notre continent, qui a tant souffert. Il est temps de passer à autre chose.
MT : De nombreux festivals se concentrent sur la musique moderne. Comment voyez-vous la place de Feux de Brazza dans le nouvel écosystème musical ?
H.O : Il y a quelques années, c’était Feux de Brazza qui contactait les artistes pour les programmer. Aujourd’hui, ce sont les artistes qui viennent à nous en masse, car ils savent que ce festival est une plateforme de promotion incontournable. Ils savent aussi qu’au-delà de la scène, un groupe est sélectionné pour être mis en studio, puis inséré dans le circuit des autres festivals internationaux.
Le festival suscite un engouement croissant, attirant des milliers de spectateurs. Nous assistons même à un retour aux sources de nombreux artistes, qui puisent dans la musique traditionnelle pour enrichir leurs sonorités actuelles.
Feux de Brazza a toute sa place. C’est un festival qui se distingue et qui est devenu l'un des grands événements culturels après le FESPAM, dans la sous-région d’Afrique centrale. Il n’y a donc aucune raison de douter de l’avenir de Feux de Brazza. Nous sommes sur la bonne voie, et nous comptons sur le soutien de tous pour que ce festival perdure face aux aléas du temps.
Nous invitons tous les mélomanes, chercheurs, et amoureux de la musique traditionnelle à nous rejoindre à Brazzaville du 7 au 10 septembre, notamment dans l’arrondissement numéro 7 de Mfilou et au Mémorial Pierre-Savorgnan de Brazza pour la conférence. Votre accompagnement est essentiel, et la fête sera belle, croyez-moi !
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