
Rumba congolaise : Yamina Benguigui redonne voix aux héroïnes oubliées
La rumba congolaise, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en décembre 2021, est une musique emblématique née dans les années 1940 au cœur des deux Congo — Kinshasa et Brazzaville. Malgré sa renommée mondiale, elle a trop souvent été présentée comme une création essentiellement masculine, reléguant les femmes au second plan.
- Lucy Eyanga, pionnière de la rumba congolaise.
Face à cette invisibilisation, la réalisatrice et auteure Yamina Benguigui lance Rumba congolaise, les héroïnes, un film documentaire diffusé le 28 juin 2025 sur Canal+ Docs, coproduit par Elemiah, Nova Production et Canal+ International.
Pendant plus de deux ans, elle a enquêté au cœur de ce patrimoine musical, retraçant les parcours de femmes qui, dès les années 1950, ont bravé les obstacles sociaux et artistiques pour exister au sein d’un milieu largement dominé par les hommes.
Parmi les figures mises en lumière figure Lucy Eyenga, pionnière de la rumba congolaise dès 1954 avec le label Opika. Découverte par le guitariste Zacharie Elenga, elle connaît rapidement le succès avec le titre "Bolingo Ya La Joie". Qualifiée par Benguigui d’Ella Fitzgerald de la rumba congolaise, elle incarne l’émancipation féminine sous colonisation. D’autres grandes artistes telles qu’Abeti Masikini, Mpongo Love, Mbilia Bel, Barbara Kanam, Mariusca et Ancy Kiamuangana sont également présentées dans le documentaire comme des héroïnes injustement oubliées par l’histoire musicale dominante.
À travers archives visuelles et témoignages, le film tisse un portrait nuancé de ces femmes qui ont souffert de l’ombre, du manque de reconnaissance, voire de solitude en fin de vie, mais qui ont résisté à travers la création musicale. Yamina Benguigui insiste sur l’importance d’ancrer dans la mémoire collective l’apport de ces femmes, forces de créativité et d’émancipation.
Le documentaire explore aussi la danse et la rumba comme vecteurs de libération individuelle et collective, montrant comment la musique a permis à ces femmes de se reconstruire, même en cas de violences ou d’exclusion sociale.
La diffusion sur Canal+ Docs marque un tournant salutaire : ces grandes voix féminines, longtemps éclipsées, retrouvent aujourd’hui leur place dans la mémoire culturelle. L’œuvre élargit notre compréhension de la rumba, non pas seulement comme un genre musical mais comme un espace de résistance, de sororité et de transmission générationnelle.
Rumba congolaise, les héroïnes est bien plus qu’un simple documentaire musical : c’est un acte militant, une restitution nécessaire de la mémoire féminine et une célébration vibrante de femmes pionnières qui ont façonné un patrimoine. À travers l’exploration de leurs voix, de leur talent et de leurs combats, Yamina Benguigui offre un film poignant et essentiel pour comprendre l’histoire autrement.
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