Les opportunités musicales au Bénin
Pour vivre de leur métier, les musiciens béninois sont généralement obligés de faire preuve d’imagination mais surtout de détermination face à la précarité du secteur. A travers cet article nous allons explorer les différentes possibilités qui s'offrent à eux ainsi que les nombreux obstacles qu'ils doivent surmonter pour pouvoir s’épanouir.
- La chanteuse béninoise Zeynab Abib. (Photo) : beninmondeinfos.com
Les redevances
Au bénin, les buvettes, bars, maquis, restaurants et autres lieux publics ou privés qui diffusent de la musique béninoise, à l'image des organismes de presses audiovisuelles, et organisations de spectacles, d’agɔ (célébrations populaires pour les morts, les mariages, anniversaires, etc.) et autres s'acquittent très rarement de leurs redevances.
Exercer un contrôle sur tous ces diffuseurs de musiques d’artistes béninois, est jusque-là de l’ordre du chimérique pour le BUBEDRA. De ce fait, les artistes, des stars comme aux plus petits ne bénéficient guère de redevances consistantes.
Ils sont donc contraints de se contenter de leurs différents cachets lors d’événements tels que ceux organisés annuellement par certains réseaux de téléphonie mobile (Moov Dance Crew, Yellow Summer, etc.) sur lesquels ils sont positionnés. Ce qui dépend de leur côte de popularité dans la période où se déroulent les différents événements en question. Ainsi, cela défavorise d’emblée des jeunes artistes, qui, pour essayer de trouver leur place, parviennent pourtant à tourner en radios ou en télés (bien qu’ils doivent souvent payer).
C’est pourquoi, une politique d'adaptation aux nouvelles technologies ainsi que de modernisation par rapport aux avantages qu’offre internet, devrait être la préoccupation fondamentale du BUBEDRA, afin de permettre aux artistes béninois d’espérer vivre décemment de leurs travaux.
Les radios
La radio est le canal par excellence de promotion pour les artistes béninois. Elle est un outil indispensable voire incontournable de visibilité accrue. Consciente de cette force, aucune d’entre elles, ne verse de droits d’auteurs aux artistes, considérant leur rendre suffisamment service déjà. D’autant plus que, les stations de radio ont tendance à prioriser les artistes internationaux afin de maintenir leur audimat, alors qu’ils exigent des sommes parfois élevées aux nationaux pour une diffusion même limitée (de l’ordre de 20 000 FCFA à 100 000 FCFA ou plus).
Corrélativement, l’aspect des droits d'auteurs censés être générés par leurs œuvres, en fonction du nombre de fois qu'elles sont diffusées sur les radios béninoises, est un autre enjeu qui affecte considérablement les revenus des artistes béninois.
De plus, les radios béninoises, ne disposent pas toujours d’un programmateur fixe qui se charge de sélectionner les titres de la playlist et les placer à l’antenne. Ce qui serait de nature à ne pas alléger les probables contrôles (s’ils étaient faits) du Bureau Béninois des Droits d’Auteurs et des droits voisins (BUBEDRA).
Par conséquent, en même temps que les artistes ont du mal à être diffusé, ils ne tirent aucun bénéfice à l’être. Heureusement, qu’avec Iinternet, la possibilité de diffusion se démocratise.
Ce qui se justifie par la création en 2015, de la première station de radio en ligne baptisée wakawaka, qui diffuse de la musique béninoise, et d’Afrique.
Les spectacles
Qu’ils soient privés ou publics, les concerts et/ou festivals sur lesquels les musiciens béninois peuvent se produire ne sont pas nombreux. Les plus réguliers se résument notamment au Festival Cotonou Couleurs Jazz. En plus élargi, nous pourrions évoquer Miss Bénin sur lequel, ne sont essentiellement invités que les artistes qui ont la côte ; Hip-hop Kankpé. Interviennent ensuite les événements de vacances les plus prisés, organisés par les réseaux de téléphonie mobile : le Yellow Summer etle Moov Dance Crew.
S’ajoutent le Festival Sitka, les spectacles Cœur d’or organisés par la chanteuse Miss Espoir, ou encore Hommage aux forces armées béninoises, et bien sûr l’habituelle Fête de la musique, organisé par l'Instituts Français au Bénin
Quoiqu’il en soit, il conviendrait d’admettre que, les spectacles sont les sources de revenus les plus viables pour les artistes béninois.
La recherche de talents
Dans les années 2000, « Coca Cola Star Promo » organisé par la chaine de radio « Capp Fm » en partenariat avec la Société Béninoise de Brasserie SOBEBRA : était le concours de détection de talents au Bénin le plus convaincant autant pour sa notoriété, sa crédibilité, le suivi des artistes détectés, et leurs succès progressifs juste après. Sessimè, est un produit issu de ce processus.
C’est seulement ensuite, que sont nés « A capela » et « MTN Découvertes Talents ».
« A capela », est une émission de télé-crochet musical diffusée sur ORTB la télévision nationale,depuis 2013. Trois saisons ont déjà été diffusées. Elle s'est très vite imposée comme un programme-phare de la télé nationale. A déplorer peut-être que les lauréats ne bénéficient pas encore suffisamment d’un accompagnement acharné, pour en faire une ou des figures montantes, représentatives, du milieu musical au Bénin.
« MTN Découvertes Talents » est un concours de détection pour jeunes artistes dans le milieu urbain notamment (Rap, R & B, afro pop surtout). Le gagnant remporte un chèque de 5 millions de FCFA.
Les ateliers et échanges
Ils sont généralement sporadiques et essentiellement initiés par des particuliers, des institutions culturelles, tel que les Instituts Français et des associations d’artistes.
Quoique récemment, a été créé le Benin Music Institute (BMI), une école de musique, où les artistes apprennent le métier dans ses dimensions : performance- image-rentabilité. Il s’agit d’une initiative absolument singulière, qui vient pallier certaines lacunes majeures : incapacité d’épanouissement et d’accomplissement pour les jeunes aspirant musiciens ou chanteurs, manque de qualité de nombreuses œuvres diffusées sur les médias, formatage du système éducatif aux spécialités strictement non-artistiques.
Reconnaissance et parrainage
Il y a de moins en moins de cérémonies officielles avec remises de trophées qui célèbrent les musiciens béninois, principalement en raison de restrictions budgétaires ou d’absence croissant de partenaires durables, prêts à s’investir assurément dans le secteur. Les « Bénin Golden Awards » et « R & R Awards », auraient pu être les plus tenaces si, cette année, chacun des événements n’avait pas eux aussi, eu à s’essouffler pour raisons financières et/ou organisationnelles.
Heureusement, qu’une nouvelle tendance est en train de prendre le relai, notamment avec le « Bénin Top 10 », un jeu musical qui consiste à faire voter le public pour des artistes dont les œuvres restent en compétition durant toute l’année. Le nombre de points récoltés permet aux œuvres en compétition de franchir les étapes et de mener les artistes en finale. Une délibération se fait ensuite lors d’une cérémonie annuelle de remise de prix, directement retransmise sur la télévision nationale.
En dehors de ce type de reconnaissances, les sociétés de télécommunications (Moov, Mtn, Glo), les sociétés de jus de fruits, de brasseries ou quelques fois des marques de boissons (Guinness par exemple), et également des boutiques de téléphones, ou de matériels informatiques font appel aussi aux artistes pour la publicité de leurs produits et services. En contrepartie, ceux-ci bénéficient d’une rétribution définie par les contrats qui les lient.
Les artistes sollicités deviennent parfois des égéries, et d’autres interviennent dans le cadre d’une campagne commerciale donnée, envisagée par ces entreprises. Zeynab, Sessimè, Don Métok, Blaaz, Willy Mignon, Dibi Dobo, Diamant Noir, Nasty Nesta, Yvan, et bien d'autres ont su saisir ces occasions.
Quant aux parrainages ils sont souvent l’apanage des particuliers. Les artistes et/ou leur staff (quand ils en ont) mènent des démarches pour obtenir des soutiens de chefs d’entreprises, des ministres, des stylistes en quête de promotion stratégique (ceux-ci profitent pour se faire citer dans les chansons ou pour apparaître dans les vidéos afin d’attirer de la clientèle) ou d’autres, qui essaient de les soutenir pour leurs concerts, ou leur lancement d’albums, ou encore la réalisation de leurs clips.
Les plates-formes en ligne
Elles se sont développées de façon exponentielle et en très peu de temps, contribuant à la dématérialisation de l’industrie musicale béninoise, déjà presque à l’agonie avec l’afflux des piratages et l’instabilité du pouvoir d’achat des populations.
Alors que les toutes premières telles que : beninzik.com, beninmix.com, rapdubled.com, ou .starzik.com, ont perdu de plus en plus leur légitimité ; de nouvelles, parfois plus attractives, ou ayant plus de visiteurs, parviennent à combler les attentes et les nouveaux enjeux de marketing en ligne.
Il s’agit notamment, des sites comme : voluncorp.com, urbenhits.com, beataddiction.com, selfmademen.com, ou encore pkstyle.com.
Aujourd’hui donc, les plateformes en ligne et également les réseaux sociaux, sont les canaux par excellence de la diffusion des musiques béninoises. Elles sont avant tout, sources de pouvoir pour les artistes, qui ne dépendent plus des médias nationaux pour faire entendre leurs travaux. La distribution est ainsi devenue plus aisée, plus étendue, et moins coûteuse.
Par conséquent, elles ont favorisé une certaine décentralisation de la visibilité des artistes, et aussi, une réappropriation par le public de leur choix d’écoute. Au Bénin, les plateformes en ligne n’ont entraîné aucune crise du disque, bien au contraire, elles ont relevé (dynamisé) la mise à disposition des œuvres béninoises. Même s’il existe des problématiques juridiques et économiques complexes, qui en font un secteur à réformer pour mieux favoriser les artistes.
Les musiciens et artistes béninois ne gagnent pas encore des sommes considérables à partir de ces plates-formes en ligne, car celles-ci ne sont pas encore parvenues à organiser des systèmes compétents de vente des artistes disponibles sur leur plateforme. Jusque-là, seuls les téléchargements gratuits sont en vogue, enrichissant à 99% de profits générés par les réseaux de téléphonie mobiles car les kilo-octets utilisés par les téléchargements gratuits sont défalqués des forfaits internet auxquels souscrivent les consommateurs.
Les sites n’ont de bénéfices qu’uniquement parce que les artistes doivent payer pour mettre leurs chansons en ligne. Ainsi, les musiciens béninois ont du mal à rentabiliser grâce aux plateformes en ligne. Pourtant certains artistes populaires franchissent la barre des 10 000 téléchargements, voire deux fois ou trois fois plus, en quelques heures, ou jours pour d’autres.
En définitive, vivre de sa musique au Bénin, appelle à savoir saisir les bonnes opportunités, à pouvoir briser les normes toutes faites, à faire preuve d’audace, d’inventivité, de recherche de nouvelles façons d’appréhender l’industrie encore instable. Mais avant tout, à faire de la musique dans laquelle les béninois seraient en mesure de s’identifier, notamment par rapport à la langue, aux traditions, us et coutumes, etc. A défaut, faire aussi de la musique festive qui rassemble.
Bien sûr, en attendant de pouvoir bénéficier de meilleurs revenus, et d’opportunités plus grandes pour vivre de leur musique, plusieurs artistes béninois s’investissent dans d’autres secteurs qui leur apportent une garantie permanente. Comme le merchandising pour des artistes comme Blaaz, ou l’entreprenariat agroalimentaire pour E-Ray, ou encore la communication et le journalisme pour Sergent Markus, etc. Tout dépend des ressorts dont chacun dispose.
En attendant que les institutions compétentes relevent enfin les innombrables défis, qui devraient contribuer à ce que tous les artistes béninois puissent gagner leur vie à travers leur musique.
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