La musique populaire au Nigéria
On peut distinguer trois périodes majeures dans le développement de la musique populaire au Nigéria: la période classique (début des temps jusqu'à la mi-19ème siècle); la période postcoloniale (du milieu du 19ème siècle à 1960); et la musique populaire contemporaine (de 1960 jusqu'à présent).
La période traditionnelle
Le Nigéria est une nation cosmopolite et diversifiée avec plus de 250 groupes ethniques avec des langues largement distinctes qui influencent les différents styles musicaux. La musique joue un rôle important dans les sociétés traditionnelles lors des fêtes collectives et différents événements sociaux, lors des célébrations religieuses, des rituels où à des fins de divertissement. Les musiques traditionnelles sont les musiques populaires d’antan.
Le tambour est l’instrument couramment utilisé par tous les groupes ethniques. Chaque région a son propre tambour : dans l'ouest du Nigéria, on retrouve ainsi le Gangan(ou tambour parlant) ainsi que les tambours massifs Gbedu et Sakara. Dans le nord, on retrouve le kalangu (tambour parlant) et le Tambari (la timbale) entre autres. Dans l'Est du Nigéria, le grand tambour Ikoro, le tambour igba (de taille moyenne) et le tambour creux en argile appelé Udu. Ces tambours donneront leurs noms aux musiques et danses qu’ils représentent. Par exemple, la musique Kalangu, la musique et la danse Ikoro, la danse Bata et la danse Igba. Des instruments mélodiques sont utilisés parallèlement aux instruments rythmiques à savoir l’Ogene ou l’Agogo (gongs), Ekpili ou Shekere (clochettes), l'UBO (piano à pouces), l’Oja (flûte traditionnelle) et la trompette en défenses d’éléphants, le Kuntigi (ou guitare traditionnelle), le Goje (la harpe traditionnelle) et la trompette (Kakaaki).
La période postcoloniale et l’influence occidentale
L’Eglise Anglicane fonde plusieurs églises à travers le pays au milieu du 19ème siècle, et les hymnes chantés lors des messes deviennent des thèmes musicaux populaires dans la société nigériane notamment lorsque le prêtre Josias Ransome-Kuti (le grand-père de Fela Kuti) se met à composer des hymnes en Yoruba. Suite à sa popularité, il est invité à Londres en 1922 pour enregistrer un album. Deux courants musicaux populaires existent à cette époque. Vers la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, la musique de chorale et la musique classique sont les styles musicaux favoris des riches nigérians instruits. Les classes moins fortunées favorisent la musique traditionnelle. Cela change avec l'avènement des fanfares. Ces dernières voient le jour dans la police et l'armée coloniale et deviennent populaires par la reprise de morceaux traditionnels, les exposant ainsi à un public plus large. Des fanfares civiles se forment dont Calabar Brass Band, une des plus populaires.
1925 est une date importante dans l’histoire de la musique populaire au Nigéria, et correspond aux premiers enregistrements de musiques populaires de Ladipo Solanke, avocat et activiste politique, et Domingo Justus d’origine afro-brésilienne. Les deux albums comportent des chansons folkloriques Yoruba.
La palmwine transcende les barrières ethniques et est une des formes les plus anciennes et révolutionnaires de la musique populaire. Une fusion de musique Latine et des Caraïbes aux chants traditionnels africains émerge dans les années 20 dans le sud du Nigéria avec les premières stars du genre à savoir Irewolede Denge, Ayinde Bakare, les Three Night Wizards, Tunde King et plus tard, Julius Araba. Cette musique est appréciée par la classe ouvrière.
Les colons introduisent la danse (la valse, le foxtrot etc.) accompagnée de grands orchestres (de l’armée et de la police) ; l'apanage de la haute société. Plus tard, la fusion de la palmwine et des grands orchestres donnera naissance au highlife.
Le highlife est la lingua franca musicale de l'Afrique occidentale anglophone à partir des années 40. Au Nigéria, une pléthore de stars émerge: Bobby Benson, Ishola Willie Payne, E.C Arinze, Bala Miller, Victor Olaiya, Fatai Rolling Dollar, entre autres. On assiste à la même période à la création de la maison de disques Phillips West Africa Records à Lagos, ainsi qu'à la sortie d’albums d’artistes locaux dans les années 30. Cette maison de disque et le lancement de la Lagos Rediffusion Service (le service de radio) contribuent à populariser le highlife et d'autres genres musicaux populaires.
Le rock and roll, la soul, la R&B, le jazz et la musique américaine sont également populaires à l’époque. August Agboola Browne est le premier artiste nigérian à enregistrer un album de jazz. Album enregistré en Pologne en 1928. Le jazz est un genre musical dominant dans les années 50, avec notamment Chris Ajilo (qui enregistre la première chanson afrobeat), le bassiste Steve Rhodes, le batteur Bayo Martins, les trompettistes Mike Falana et le jeune Fela Kuti.
Musique contemporaine populaire
Cette période est marquée par la quête d'une identité musicale. Alors que le highlife continue sur sa lancée, d’autres styles musicaux se forment :
La musique Juju: Fusion du palmwine et de la musique traditionnelle Yoruba, cette musique des années 30 occupe une place particulière dans les villes ouest du Nigeria avec des interprètes tels que Tunde Nightingale, S.F. Olowokere, I.K Dairo, Kayode Fashola ou encore Shina Peters et Segun Adewale. Les plus populaires sont King Sunny Ade et Ebenezer Obey.
L’Afrobeat : En 1961, le saxophoniste Chris Ajilo, enregistre le premier titre Afrobeat, 'Ariwo'. Fela Kuti popularisera le genre avec une série d’albums de 1960 jusqu'à sa mort en 1997. Cela lui vaudra une reconnaissance internationale. Son contemporain, Julius Fela suivra ses traces. Les fils de Fela, Femi et Seun Kuti perpétueront la tradition familiale en y apportant leurs touches personnelles. D'autres interprètes incluent le claviériste et le chef d’orchestre Dele Sosimi et chanteur Ade Bantu.
L’Afrofunk : Fusion du funk américain aux rythmes et chants africains, l’Afrofunk émerge à la fin des années 60 et atteint son sommet à la fin des années 70, avec une renaissance du style à la fin des années 90. The Strangers, Wrinkars Experience, Monomono, BLO, The Funkees et Boy Band Ofege sont parmi les promoteurs sans oublier les stars du jazz funk notamment le claviériste Gboyega Adelaja et le percussionniste Aleke Kanonu.
Le Fuji: Une musique entre rythme yoruba et tradition islamique qui existe déjà sous les formes antérieures de l’apala et du sakala. Le Fuji émerge dans les années 70 avec Sikiru Ayinde Barrister, Kollington Ayinla, et Salawa Abeni. D'autres artistes comme Obesere et King Wasiu Ayinde Marshall apparaissent dans les années 80 et 90. Ce dernier est l’une des plus grandes stars du Nigeria. Wasiu Alabi Pasuma empruntera ses pas.
Les importations étrangères
Entre 1970 et 1990, Cloud 7, Sunny Okosuns, Ras Kimono, Evi Edna Ogholi, Majek Fashek, Mandators et Tera Kota popularisent le reggae. Ils acquièrent une renommée internationale. L'avènement du dance hall et du ragga, voit l'émergence de célébrités contemporaines telles que General Pype, Felix Duke, Kupa Victory, Burna Boy et Patoranking. Cependant l’artiste le plus primé de cette génération est 2Face Idibia et son style musical hybride.
Le Nigéria produit une longue lignée d’artistes soul, pop et R&B influencés par des superstars américaines et européennes. On note parmi ces artistes des années 70, Joe Nez, Segun Bucknor, Bongos Ikwue ou encore Akeeb Kareem alors que Kris Okotie, Jide Obi, Dizzy K Falola, Adu Deme, Mike Okri, les chanteuses Mary Afi Usuah (qui chante pour des publicités radio de Spaghetti italiens dans les années 60) Onyeka Onwenu, Christie Essien et Funmi Davies marquent les années 80.
Le nouveau millénaire voit l’émergence d’une nouvelle génération de musiciens comprenant D'Banj, Darey, Banky W, Asa, Sound Sultan, P-Square, Wande Coal, Flavour, Davido, Wizkid, Bez, Tiwa Savage, Omawumi, Waje pour ne citer que.
Le Rap/Hip-hop
Le plus grand phénomène musical du nouveau millénaire est le hip-hop nigérian reconnu mondialement. Tout commence en 1981 avec un enregistrement à titre expérimental du DJ radio Ron Ekundayo et la sortie du premier album de hip-hop en 1988 par Sound on Sound. Cet album regroupe American Scratch, M. Kool and Jedi et les chanteurs nigérians Ebony Olaoye et Monica Omorodion. Les années 90 voient l'émergence d’un son local avec du rap en Pidgin (mélange d’anglais et de dialectes locaux). Les deux pionniers de ce genre étant les groupes Emphasis et le duo Junior et Pretty en 1991. Le nouveau millénaire est marqué par l'émergence d'une succession d'artistes tels que Remedies, Trybesmen, Maintain, et les artistes solo Eldee, Olu Maintain, Tony Tetuila et Eedris Abdulkareem suivi de Jazzman Olofin, Ikechukwu, Naeto C, Sasha P, Sauce Kid, Ice Prince, MI, Jesse Jagz et Ill Bliss. La plupart de ces artistes signent avec le label d’Obi Asika Storm Records.
Le nouveau millénaire voit plusieurs artistes s'exprimer en langues locales, en utilisant les genres autochtones tels que le highlife et le coupé-décalé. On peut citer notamment Lord of Ajasa, Mr Raw, MC Loph, Dagrin, 9ice, Olamide, Phyno et Reminisce.
Au-delà du son du millénaire
Cette nouvelle ère de la musique populaire nigériane cache beaucoup de talents. D’abord les DJs qui sont les héros de l’ombre du Hip-hop nigérian. Le DJ Jimmy Jatt se charge de recruter les premiers talents du Hip-hop au Nigéria pour les premiers labels. DJ Howie Tee découvre le célèbre duo P-Square. Les producteurs jouent également un rôle important car définissent un nouveau son. On peut citer notamment Don Jazzy, WizBoy, OJB Jezreel, Omololu, Sarz, Sheyi Akerele, le légendaire duo Beatz composé d’Ozezi et Okiemute Oniko ainsi que Doyinsola Adeshola.
Références
- Asika, Obi. 'Nigerian Soft Power'. Présentation au '90 years of Nigerian Popular Music', un évènement Music In Africa.
- Ikonne, Uchenna. Nigerian Popular Music in the 1980s. Présentation au '90 years of Nigerian Popular Music', un évènement Music In Africa.
- Idonije, Benson. 'Nigerian Popular Music 1930-1960s'. Présentation au '90 years of Nigerian Popular Music', un évènement Music In Africa.
- Keazor, Ed. 'The Nigerian Afro-Funk Chronicles'.
- Ikonne, Uchenna 'Nigerian Rap (The first decade 1981-1991)'
- Keazor, Ed. 'The History of Nigerian Jazz'
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