La morna, un genre musical unique au Cap-Vert

Autrefois, à l’époque de l’esclavage, ce style musical permettait aux Cap-verdiens, souvent en exil à cause de la sécheresse survenue sur les îles du Cap-Vert, d’exprimer leur chagrin mais aussi de chanter la nostalgie de leur famille et de leur pays.

Les esclaves originaires du Cap-vert se retrouvaient dans les pays autrefois dénommés Afrique portugaise à savoir en Guinée Bissau, à Sao Tomé et Principe, et en Angola pour travailler dans les plantations de leurs colons.

La morna est un genre musical qui permet d’exprimer la saudade, écrit aussi sodade, qui évoque un sentiment de désir et d'espoir de retrouver ce qui nous manque.

Le Cap-Vert étant un archipel lusophone, la morna se chante en créole et en Portugais. C’est une chanson amoureuse rythmée et mélancolique qui, aujourd’hui, est toujours accompagnée de musiciens

Elle se compose sur les notes musicales d’une guitare, d’un cavaquinho (guitare à 4 cordes), d’un accordéon, d’une clarinette, d’un violon, d’un piano et accompagné d’une voix qui raconte une histoire.

Elle est l’identité musicale cap-verdienne qui, à travers des mélodies ayant des mesures à 2 ou 4 temps, cherche à évoquer la douceur d’un souvenir.  

La naissance et l’évolution de la morna

La première chanson de morna « Brada Maria », née en 1870, n’a malheureusement pas d’auteur connu. Traduite par « Des cris à Marie » c'est une prière, un cri à l’aide d’une femme qui raconte sa peine et son espoir de retrouver sa famille. Elle est secourue par un homme qui, pris de compassion, l’aide à retourner chez elle. 

50 ans après, la morna est revalorisée grâce au l’écrivain, Eugenio de Paula Tavares dans les années 1920. Célèbre poète du Cap-Vert entre 1890 et 1930, Eugenio écrit des poèmes qui retracent les thèmes de la Morna dont l’amour, l’île, la mer, la femme l’immigré et la santé.

C’est seulement en 1969 qu’est publié « Mornas, Cantigas Crioulas »(Morna, les chansons créoles) le livre regroupant tous les poèmes d'Eugenio de Paula Tavares. 

La Morna renaît dans les années 1950 avec le compositeur et musicien Francisco Xavier Da Cruz plus connu sous le nom de Beleza.  Il met en avant la Morna de Sao Vincente et compose des chansons pour Titina et Bana, musiciens et chanteurs de Morna. 

Beleza innove le style de la morna en composant une dizaine de chansons et fait naître un autre genre musical du Cap-Vert, la coladeira qui avec un rythme plus rapide présente des chansons avec des thèmes tels que la joie, l’humour, la critique sociale. 

Comme Eugenio, Beleza écrit deux livres présentant chacun une dizaine de poème. Il a également composé une dizaine de chansons de Morna et Coladeira. 

En introduisant la coladeira, la morna n’observe aucune évolution

Il existe 3 genres musicaux de morna :

- La morna de Boa Vista né en 1870 est le style musical de Morna le plus ancien. Elle se caractérise par l’humour et la critiques sociale alliés à un rythme rapide et présente une structure musicale simple. 

- La morna de Brava, apparue en 1920 est le style musical de Morna le plus connu au Cap-Vert grâce aux compositeurs des iles de Brava et Fogo qui la valorise jusqu’à ce jour. Elle se caractérise par un rythme plus lent avec des thèmes romantiques.

- La morna de Sao Vicente née en 1930 est une variante de la morna du brava avec des séquences plus rythmées. Elle chante également des thèmes romantiques mais plus variés.

Les compositeurs et interprètes de morna

Le Cap-Vert regorge de compositeurs qui ont contribué à l’évolution de la morna. Outre Francisco Xavier Da Cruz dit Beleza, il y a d’autres pionniers tels que Jorge Fernandes Monteiro – Jotamont (1912 – 1998), doué à la trompette Jotamont est aussi un compositeur qui a écrit une dizaine de chansons morna.

Il a également contribué à la documentation du genre musical en écrivant deux livres dont un dédié à la morna et l’autre à la coladeira.

Epilania de Freitas Silva Ramos Evora - Dona Tututa (1919 – 2014) est la première femme à travailler au Café Royal de Sao Vincente en tant que pianiste.

Dona Tututa est la seule compositrice et pianiste légendaire de la morna au Cap-Vert. Elle est l’auteur de chansons phares qui ont étés interprétées par Césaria Évora, Bana, les célèbres interprètes de la morna au Cap-Vert.

Armando Zeferino Soares (1920 – 2007) est le célèbre compositeur et auteur de la célèbre chanson « Sodade » interprété par Césaria Évora. « Sodade » est une chanson qu’Armando a écrite dans les années 1950 pour rendre hommage à ses amis qui se sont embarqués pour Sao Tomé et Principe.

Fernando Quejas (1922 - 2005), compositeur et chanteur, il a contribué au développement de la morna à l’international notamment au Portugal où il réalise 22 singles vinyles avec le label « Alvorada ». Il a notamment contribué à développer la musique au Cap-Vert en mettant en place une des premières radios, Radio Clube de Cabo Verde (Radio Praia). Il a également publié un recueil Andante Cantabile de ses poèmes et ses chansons accompagnés de photos de moments marquants de sa vie.

Aujourd’hui la morna est jouée par beaucoup de musiciens et interprètes, homme comme femme.

Depuis 1930, c'est sous l'influence du compositeur Beleza que la morna est popularisée par Adriano Gonçalves mieux connu sous le nom de Bana. Il officialise sa carrière dans les années 1950 après avoir travaillé comme garde du corps pour le compositeur Beleza. C’est donc auprès du compositeur que Bana apprend les techniques musicales de la morna. Après la mort de Beleza, le chanteur Bana décide de s’implanter à Paris (France) et Rotterdam (Pays-Bas) où il développe sa carrière et devient l’ambassadeur du Cap-Vert en tant que roi de la morna.

La morna a aussi sa reine, Césaria Évora qui a baigné dans son enfance dans la musique grâce à son père Justino Da Cruz Évora, musicien et son oncle chanteur, Bana.

Césaria Évora commence sa carrière de chanteuse à la radio et sur les bateaux de croisière dans les années 1960 à Mindelo sur l’ile de Sao Vincente. En 1985, elle rejoint son oncle Bana qui l’invite au Portugal pour un concert. C’est ainsi qu’elle obtient une visibilité à l’international en travaillant avec des compositeurs du Portugal et de France.

En plus d’interpréter la morna, Césaria Evora est connu grâce à la coladeira avec le titre « Sodade » qu’elle a interprété en 1992. Cesaria Évora a ouvert les portes de la morna et de la coladeira au monde mais également à d’autres chanteuses qui ont su déposer leur signature de la morna.

Celina Pereira, ancienne professeure, sort son premier single en 1979 où elle chante sa ville, Boa Vista avec le label de Bana. Elle dédie toutes ses chansons à l’amour qu’elle a pour son pays et principalement son ile de Santa Monica. Ces femmes ont été de grands exemples de représentation culturelle.

Aujourd’hui la morna continue d’exister à travers la nouvelle génération de chanteuses de morna comme Lura, Mayra Andrade et Elida Almeida qui représentent fièrement le Cap-Vert en chantant leur amour pour leur pays.

Sources :
http://www.humbertoramos.net/cifras/brada-maria-eugenio-tavares/
https://soundcloud.com/tofaria/brada-maria-eugenio-tavares ,
https://bradamaria.blogspot.com/2013/12/a-mais-antiga-morna-brada-maria.html#.XXjniJP7QWo
http://www.barrosbrito.com/445.html

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Édité par Lamine BA