5 questions à Vieux Mac Faye

Dans quel état est le jazz au Sénégal ?

Pas reluisant ! Il n’est pas exagéré de considérer que ce style musical est en léthargie.

Il y a d’une part des blocages sociologiques : pour beaucoup de Sénégalais, toute la musique que l’on n’a pas l’habitude d’entendre est du jazz ! Il est fréquent d’entendre des gens écouter de la salsa ou du blues en croyant que c’est du jazz. Tout cela à cause d’une faible culture musicale !

Il y a d’autre part des blocages structurels présents dans toute la société y compris chez les jazzmen.

Quels sont ces blocages ?

Le plus évident est la formation ! Le jazz ne peut pas être appris et maîtrisé hors des structures inculquant les fondamentaux de la musique car le jazz est un style élaboré.

Le prix des instruments et leur disponibilité peuvent être aussi des obstacles. Dans les faits, c’est difficile de trouver un bon instrument au Sénégal.

En Europe, un saxophone ténor neuf coûte 975 000 F CFA (1 500 Euros). Quant au saxophone alto, son prix peut atteindre 1 625 000 FCFA (2 500 Euros). Pour l’instant, nous n’avons pas parlé du saxophone baryton dont le prix atteint 3 510 000 F CFA (5 400 Euros).

Vu ces prix, n’est-ce pas plus simple d’utiliser l’instrument avec lequel nous naissons tous : la voix ?

À priori, c’est une bonne idée, mais pour être véritablement, pleinement un artiste, il faut savoir jouer au moins d’un instrument. Un artiste au plein sens du mot doit savoir faire des harmoniques !

Ma conviction est que la connaissance des instruments donne plus de texture à un chanteur. Ce dernier doit, par exemple, savoir qu’il existe des instruments harmoniques et des instruments monodiques.

En français facile ?

Par exemple, le saxophone est monodique ou monophonique alors que le piano est harmonique. Un instrument monophonique, tel le saxophone ou la trompette, ne produit qu’une seule note à la fois. Quant à l’instrument harmonique, il produit simultanément plusieurs notes.

Tout chanteur ayant appris la musique veillera d’une part à toujours accompagner sa voix d’instruments harmoniques tels que la guitare, le piano voire la kora. D’autre part un chanteur/instrumentiste veillera à conserver au moins un instrument multi phonique ou harmonique du début à la fin de la chanson.

Au début de cet entretien vous décriviez des horizons sombres pour le jazz au Sénégal, pourtant il y a des évènements importants…

Vous voulez sans doute parler du Festival International de Jazz de St Louis !  Effectivement, il a le mérite d’exister et d’être un évènement qui a une notoriété importante.

Ma principale interrogation par rapport au festival de jazz de St Louis est liée à sa programmation. J’aimerais qu’elle accorde plus de place aux jazzmen sénégalais.