Les opportunités offertes aux artistes en Éthiopie
Dans une industrie musicale saturée, les artistes doivent faire preuve de stratégie. Même si les possibilités ne cessent de croître, seuls quelques artistes sont en mesure de les exploiter. Des concours en passant par les possibilités de financement et concerts, ce texte donne un aperçu sur les opportunités offertes aux musiciens en Éthiopie.
Les concours
Les concours ne sont que très rares, dans un aussi grand pays que l'Éthiopie, qui compte plus de 80 millions de personnes. Il y en a précisément trois: le Balageru Idol, le Merewa et l’Ethio Talent Show.
Balageru Idol a lancé la carrière de nombreux musiciens. Le gagnant reçoit une importante somme d'argent ainsi qu'un contrat d’enregistrement, tandis que les autres participants parviennent à se faire de la renommée.
Esayas Tamrat est un artiste éthiopien qui joue au Suba Lounge tous les vendredis soir. Ce chanteur qui a intégré les musiques de Tilahun Gessesse, Minilik Wosenatchew et Muluken Melesse, est longtemps resté méconnu. Suite à sa participation au Balageru Idol qu'il n'a certes pas gagné, Esayas devient rapidement célèbre en Éthiopie. Agé de 29 ans, le chanteur originaire d'Addis gagne le coeur des téléspectateurs en reprenant de vieux classiques amhariques. Il se produira dans les meilleures salles de concerts de la capitale.
Même si c'est Dawit Tsige qui remporte le titre, la carrière d’Esayas se lance quand même. « Ma vie a complètement changé, » explique t'il. « Avant Balageru, il m’était difficile de me produire sur scène, même sans cachet. Je reçois désormais des invitations et mes spectacles attirent un large public ».
Même si le sort d’Esayas n'est peut-être pas le même pour tous les autres candidats, des concours comme Balageru sont un tremplin pour les artistes qui désirent gagner en visibilité.
Balageru est une initiative du producteur et entrepreneur Abraham Wolde. En 2015, le show a enregistré sa troisième édition, diffusée intégralement sur Ethiopian Broadcasting Corporation (EBC) . Wolde constate que les musiciens ont de plus en plus du mal à se faire un nom et à vivre de leur art. Les grands talents musicaux vivent dans l’ombre faute de publicité. Avant de créer le concours, Abraham Wolde a été responsable de production de Balageru I, II & III, une série télévisée glorifiant la vie rurale.
D'autres concours tels Merewa, lancé en 2015 et diffusé sur le réseau américain Ethiopian Broadcast Service (EBS), et Ethio Talent Show diffusé sur l’EBC3, représentent des chances pour les musiciens.
Des projets et des institutions
Avec l'appui financier de l'Union Européenne (UE), le Ministère de la Culture et du Tourisme a initié un projet pour la promotion du patrimoine et de la culture éthiopienne, baptisé PROHEDEV. Le projet a pour but la création de centres de formation musicale, ainsi que l’apport de subventions pour les industries culturelles. Il est lancé en 2013 et devrait durer cinq ans.
Six universités d'État bénéficient du projet PROHEDEV. Elles assurent la formation musicale. Le ministère affirme qu'il souhaite renforcer l'industrie locale de la musique, pour encourager les artistes à créer des oeuvres authentiques.
Les institutions musicales représentent de véritables opportunités d'éclosion pour les artistes en Éthiopie. Parmi les plus connues, la Yared School of Music, un département de musique de l'Université d'Addis-Abeba fondé en 1954. La structure est spécialisée dans la musique classique, mais elle propose aussi une formation en jazz depuis 2012.
La JazzAmba Music School, précédemment connue sous le nom d’African Jazz School, a été créée en septembre 2008 et est située au nord de l'Éthiopie. En plus de ses cours de jazz (avec majeures en trompette, piano, batterie et saxophone), elle offre des bourses et met à disposition des étudiants un studio d'enregistrement et une société de production. Les étudiants, qui sont pour la plupart âgés de 20 à 35 ans, forment leurs propres groupes et se produisent à l'occasion dans différents endroits de la ville.
Music Leads The Way [i] est un projet qui propose une formation professionnelle aux artistes et autres acteurs du secteur musical depuis 2014. Initialement appelé Addis Urban Project, le projet, géré par Selam Ethiopia en collaboration avec l’Ethiopian Musicians Association (EMA) [ii] et avec l'agence suédoise de coopération internationale au développement, a assuré la formation d'environ 30 artistes. Au bout de 2 ans, le projet initial prend fin, ouvrant la voie au projet Music Leads The Way, qui est maintenant dirigé par Selam dans le cadre de son programme axé sur les acteurs culturels en Éthiopie.
« Le projet permet aux jeunes musiciens émergents de se perfectionner, d’apprendre la stratégie des médias sociaux et la gestion des droits d'auteur » affirme Nahom Dawit, le chargé de projet.
Pianiste de jazz, Nahom dit que c'est sa passion pour la musique et son expérience dans la gestion d'entreprise, qui lui ont donné l'idée de travailler avec de jeunes musiciens. Nahom estime que la plupart des talents font face à des défis insurmontables. Le projet Music Leads The Way a pour but d’aborder certains de ces défis par le marketing en ligne et la création d'une plate-forme pour jeunes musiciens. Les enseignants partagent à travers des ateliers, leur savoir-faire en matière notamment d’écriture musicale, de technique vocale et de danse.
En plus d'orienter les jeunes talents évoluant dans les tendances nouvelles, Nahom explique que le projet veut impliquer les musiciens traditionnels (y compris les musiciens Masinko et Washint).
Binyam Woldu, 24 ans, est l'un des chanteurs qui bénéficient du projet. Il se produit tous les soirs à Checheho, un restaurant traditionnel de la capitale. Il explique que le projet lui a permis d’exploiter de façon optimale les médias sociaux (Facebook, Twitter, WordPress, SoundCloud, iCloud et Instagram) pour promouvoir sa musique. Binyam pense que les médias sociaux peuvent être un catalyseur pour le dialogue et le marketing de bouche-à-oreille.
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